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L’impact du covid19 sur la migration comme élément fondamental de la mondialisation

Dans un contexte où les rapprochements entre les êtres humains et le flux des échanges commerciaux, culturels et académiques s’accélèrent, le coronavirus s’est immiscé dans la mondialisation et en est devenu un challenge planétaire. Il représente subrepticement une limite aux processus des échanges au niveau de la société mondiale. Qui plus est, au respect des droits de l’homme et de la migration qui se veut être le pilier de la mondialisation puisque selon le rapport de 2020 de l’Organisation Internationale pour les Migrations intitulé : L’état de la migration dans le monde, il existe jusqu’en 2019 272 millions de migrants à travers le monde (3,5% de la population mondiale), parmi ces migrants 52% sont des hommes, 48% des femmes et 74% sont en âge de travailler (20-64)[1]. Les États-Unis d’Amérique représentent le premier pays de destination des migrants (50,7 millions de migrants internationaux)[2]. Des données en 2013 ont estimé que 150,3 millions est le nombre de travailleurs migrants à travers le monde, ce qui représentait un peu moins de deux tiers de la population des migrants internationaux (232 millions) à la même année[3]. Par conséquent, en raison du confinement, de la fermeture des frontières dans le souci pour les États de protéger leurs populations face à la propagation de la pandémie. Il est visible qu’il existe une tension entre le covid19 et la mondialisation. On dirait que de cette tension découlerait une mondialisation du Coronavirus puisque c’est un fléau contre lequel l’humanité se bat. Laquelle bataille comporte des stratégies sanitaires en fonction de l’architecture sanitaire de chaque État. En ce sens, la diversité des stratégies est dû au fait que de nombreux États avant l’avènement de cette pandémie se sont confrontés à des problèmes sanitaires et environnementaux qui se labellisent aujourd’hui comme de nouveaux défis à la paix et à la sécurité internationales.

De cette pandémie découle une restriction croissante de la liberté de circulation des personnes en raison de l’adoption de mesures urgentes. Ce qui est admis en droit international des droits de l’homme. Par contre, dans certains États ou les infrastructures sont défaillantes ou n’existent plus, la restriction de la liberté de circulation des personnes pose problème vu que les défis quotidiens auxquels la population de ces États fait face. L’apparition de cette pandémie nous fait vivre subitement dans un monde où la distanciation sociale engendre la fermeture des frontières et un frein dans les échanges. À ce titre, sommes-nous au début de la fin d’un cycle qui pourrait faire émerger une « nouvelle mondialisation » où la protection des droits de l’homme, la solidarité internationale et la gouvernance de la migration seront plus effectives. En outre, comment par souci de solidarité migratoire[4], les nombreux travailleurs migrants issus des pays du sud peuvent jouer un grand au chevet de leurs pays face au COVID-19 ? Il me semble que par une approche des droits de l’homme on parviendra à combattre la pandémie, et l’intervention des travailleurs migrants en soutien financier à leur pays d’origine serait un atout pour les États. Aussi, faudra-t-il une nouvelle gouvernance mondiale des flux migratoires.

L’approche par les droits de l’homme pour contrer le Covid19

Par cette approche, on entend que, dans les pays d’extrême vulnérabilité sanitaire, il est une nécessité inéluctable d’appliquer certains principes cardinaux de droits de l’homme tels que : l’égalité, la non-discrimination pour que les stigmatisations liées aux désinformations ne causent plus dégâts que la pandémie elle-même. Dans cette aventure, l’intervention des entreprises au nom du principe de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), des organisations des droits humains, des ONG œuvrant dans les droits de l’homme est incontournable. Que peuvent faire les entreprises et les associations dans l’approche des droits de l’homme ?

Du rôle des entreprises et des associations des droits de l’homme

    L’existence des entreprises est tributaire de l’intelligence des êtres humains qui y travaillent en mettant à leur profit leur savoir et leurs compétences. Il est crucial qu’elles adoptent des mesures qui tendent non seulement à protéger leurs cadres mais également les consommations de toutes les couches sociales. Elles se doivent de mobiliser des ressources financières et matérielles au sein d’une plateforme d’entreprises ou autre afin d’aider l’État efficacement à faire face à la pandémie. Nous proposons à ce titre, dans ce contexte que les entreprises agissent d’un commun accord avec toutes les associations dédiées aux droits de l’homme afin de renforcer la capacité de l’État pour contrecarrer le Covid-19. Les actions devraient être axées sur des campagnes de sensibilisation à grande échelle, c’est–à-dire jusqu’aux sections communales en priorisant une approche participative des citoyens avec le concours des professionnels de la santé et de nombreux leaders communautaires. La transformation des Églises et des écoles communautaires en de véritables centres d’accueil pour les personnes infectées. Nous devrons dégager une prise de conscience collective de la crise sanitaire mondiale afin de bannir toutes les formes de discriminations à l’égard des personnes contaminées. En outre, les entreprises, notamment celles qui sont se sont spécialisées dans l’alimentation doivent intervenir auprès des personnes qui sont sous-alimentées. En quoi le confinement pourrait être une arme de guerre contre le Covid-19 ?

Le confinement comme dérogation aux droits de l’homme pour combattre le Covid-19

    De la France, en passant par l’Italie, l’Espagne, les États-Unis (New York), jusqu’en Inde, pour ne citer que ceux-là, on assiste lamentablement à de nombreux cas de contamination et de décès liés au Covid-19. Face à ce constat, le confinement s’avérerait être une arme utilisée par les États afin de lutter contre la pandémie. C’est une dérogation qui est permise en droit international des droits de l’homme (Voir l’article 4 (1,3) du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966) puisque dans ces pays il est question de l’État d’urgence sanitaire. Cependant, cette dérogation s’est heurtée à des difficultés de mise en œuvre en raison des carences d’infrastructures sanitaires, environnementales et de pauvreté extrême de certains États. En outre, le confinement peut anéantir plus de gens que la pandémie elle-même. Par ailleurs, dans le cas d’Haïti on peut tenter un éventuel confinement qu’il faudra analyser au cas par cas.

Primo, dans les quartiers résidentiels, le confinement est possible parce que les gens qui y vivent sont relativement aisés et peuvent se permettre d’avoir de quoi se nourrir pour la période qui sera impartie pour le confinement. Dans cette optique, ils pourront construire une véritable communauté où ils se solidariseront.

Secundo, dans les quartiers populeux, l’État se doit de désengorger les ménages où la promiscuité bat son plein en envisageant comme alternative des centres d’hébergement d’urgence qui seront dédiés au confinement. De plus, il se doit d’approvisionner cette population dite vulnérable en mettant en place toute une chaîne d’assistance sociale ordonnée. Simultanément, il s’oblige à mener une campagne de sensibilisation auprès des ménages de ces quartiers.

Tertio, globalement, il faut opérationnaliser une campagne d’assainissement dans tout le pays en incluant les organisations communautaires de base, les leaders religieux, les professeurs, et tous les organismes de l’État œuvrant dans cette sphère d’activité. À cet effet, on peut encourager dans les villes de provinces et autres l’usage de vélos comme moyen de transport afin de limiter la proximité des gens. Vraisemblablement, c’est le moment opportun de développer le système de transport via les vélos. Lequel système s’étiquettera de palliatif au problème de la pollution auquel les grandes villes se sont confrontées. Les mesures d’ordre que nous impose cette pandémie a sans conteste impacté la migration, qu’elle soit interne ou internationale.

La migration face au Covid19

      Il est un fait indéniable que ce qui permet la propagation du coronavirus c’est la migration des personnes ainsi que leurs contacts physiques. L’inverse est aussi vrai, en ce sens que pour pouvoir freiner la propagation de la pandémie la restriction de la migration est de mise. D’où l’optique extrême de la fermeture des frontières. Cependant, la grande controverse est que les avantages de la migration peuvent aider dans la guerre menée contre le Covid-19. Face à cette grande mobilisation mondiale, on peut compter sur la contribution des travailleurs migrants et une gouvernance mondiale efficace de la migration durant la période post-pandémique.

L’investissement des migrants dans la lutte contre le Coronavirus

      Face à ce désastre mondial, il est indispensable que les États, en particulier, ceux dont le système sanitaire est défaillant, sollicitent le concours sur les plans financier, technique et scientifique de leurs ressortissants vivant à l’étranger. Des concours qui peuvent être à notre sens opérationnels par l’usage des outils technologiques du fait que les frontières sont pour l’instant fermées. Des plates-formes numériques regroupant les associations locales et celles des immigrants peuvent être créées en coopération avec les structures étatiques dédiées à la santé pour des interventions efficaces au Covid-19. Nous visons, dans ce contexte, les travailleurs migrants issus de ces différents États.

Le recours à la réserve économique des migrations est essentiel afin de pallier les effets de contamination du coronavirus puisque selon la Banque Mondiale, les migrants ont envoyé   29 milliards de dollars É.-U. en 1990 vers des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire[5]. Ces envois se sont élevés à 74 milliards en 2000 soit plus du double pour atteindre 429 milliards de dollars É.-U. en 2016[6]. À l’échelle mondiale les rapatriements de fonds sont trois fois supérieurs à l’aide publique au développement (Rapport de l’OIM de 2018 sur l’état de la migration dans le monde). Une meilleure gestion des fonds qui peuvent être alloués par les migrants à leur pays d’origine où le système sanitaire est fragile coopèrent à la rescousse des vies humaines. L’investissement des migrants marquera une étiquette d’assise à l’aide de tous les États de coopérer dans la logique de la solidarité, l’une des valeurs qui doit sous-tendre les relations internationales au XXIe siècle. Laquelle solidarité consacre selon la Déclaration du millénaire du 8 septembre 2000 adoptée suivant la Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU A/Res/55/2. : « Les problèmes mondiaux doivent être gérés multilatéralement et de telle façon que les coûts et les charges soient justement répartis conformément aux principes fondamentaux de l’équité et de la justice sociale (…) » Ainsi, pouvons-nous évoquer dans cet esprit que le Secrétaire générale des Nations Unies M. Antonio Gutterés a fait un appel solennel à la communauté internationale pour un investissement massif en Afrique afin de se battre contre le Covid-19. Par ailleurs, dans la quintessence de cette approche se réside en même temps l’appel à une bonne gouvernance de la migration au défi du Covid-19.

Vers la nouvelle gouvernance mondiale des flux migratoires

L’Europe (Italie, France, Espagne…) et les États-Unis d’Amérique (New York), pour l’instant, deux pôles les plus importants de la migration (Sud-Nord) sont les plus touchés par le Covid-19.  S’ils sont des pôles attractifs de la migration, il faudra des actions collectives dans les États où provient la migration vers ces pôles migratoires. On entend par là, l’évitement des flux migratoires par des interventions sur le plan économique et social afin d’aider les pays de provenance des migrants à faire face au Covid-19. Si des actions ne sont pas menées, on assistera à un rebondissement du Covid-19 dans les pays dits les plus développés. Paradoxalement, on pourra éventuellement observer une migration du nord (Pays riches) vers le sud (pays en développement). En premier lieu, par les migrants originaires des pays du sud qui envisageraient un retour à titre préventif au Covid-19. En second lieu, des ressortissants des pays riches qui projetteraient de se rendre au sud dans une perspective de recours en attendant que la situation sanitaire soit améliorée. Par contre, triste constat les frontières sont fermées ils se sont obligés de se confiner, d’où le frein à la migration. Par ailleurs, la migration irrégulière se perpétue malgré la crise sanitaire mondiale. À titre illustratif, les réfugiés syriens confinés à la frontière gréco-turque exposés quand bien même au Covid-19 et dont le souhait est la conquête de l’Eldorado européen. Si durant la pandémie du VIH/sida et d’autres maladies infectieuses toute la communauté internationale s’est manifestée d’apporter un soutien pour répondre aux besoins spéciaux de l’Afrique dans le cadre de la Déclaration du millénaire, aujourd’hui à l’ère du coronavirus, cette même communauté se soucie non seulement de ses besoins propres mais également de ceux de l’Afrique. Fort de ce constat, résoudre le problème de la propagation du virus dans les pays riches sans un apport à l’Afrique surtout dans le cadre du développement entrepreneurial pour contrecarrer la pauvreté dans le but de combattre la migration clandestine, c’est comme parler d’un arbre sans ses racines.

Au vu de ce qui précède, il faudra plus que jamais les États convergent leurs efforts en vue de relever les nouveaux défis auxquels s’est confrontée la mondialisation, à savoir la tolérance, le respect de la nature et le partage des responsabilités qui présente dans son contenu : « La responsabilité  de la gestion, à l’échelle mondiale, du développement économique et social, ainsi que des menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales, doit être partagée entre toutes les nations du monde et devrait être exercée dans un cadre multilatéral (…)[7] ». Une nouvelle gouvernance mondiale des flux migratoires est incontournable. Elle devra s’inscrire dans la mise en œuvre efficace du Pacte mondial pour des migrations sûres, régulières et ordonnées adoptés dans le cadre du Forum de Marrakech sur la migration et le développement du 10 au 11 décembre 2018. Il faudra miser sur l’aspect positif de la migration pour remédier aux problèmes économiques causés par le Covid-19 en vue de reconstruire un monde meilleur. Faisons que la mondialisation soit une force positive pour l’humanité toute entière en prenant en compte une réelle justice sociale.

En définitive, le Covid-19 fera basculer notre monde vers un nouvel ordre économique et social. On peut même prétendre à l’avènement d’une nouvelle mondialisation dont l’essence résidera dans la prise en compte des droits économiques et sociaux. Faisons de cette mondialisation une mondialisation socio-économique pour que l’humanité entière soit plus solidaire face aux fléaux mondiaux. En outre, construisons ce nouveau paradigme en accordant une place plus juste au respect de l’environnement ou de la justice climatique. Protégeons la migration, aussi vieille que le monde et qui s’étiquette de moteur de la machine de la mondialisation. Parvenons tous ensemble à une nouvelle gouvernance sanitaire et migratoire mondiale en tenant compte du respect et de la protection des droits humains des migrants.

Me Johnny Yvenson PIERRELIS

Avocat du Barreau de Port-au-Prince

Spécialiste en droit international des droits de l’homme


[1]Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), rapport intitulé : « L’état de la migration dans le monde », 2020, p. 21.

[2]Idem., p.21.

[3] OIT, 2015, cite dans le rapport de l’OIM, l’état de la migration dans le monde, 2018, p. 30.

[4]C’est l’implication des travailleurs migrants par une prise de conscience collective de la crise sanitaire mondiale en appui à l’État.

[5] Base de données de la Banque  mondiale, 2017, cite dans le Rapport  2018 de l’Organisation Internationale  pour les Migrations, OIM, intitulé : « L’état de la migration dans le monde», p. 4.

[6] Idem., p.4.

[7]Déclaration du millénaire du 8 septembre 2000 adoptée suivant la Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU A/Res/55/2.

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